Naissance de Bandol

Naissance et histoire de Bandol  de 1595 à nos jours - A la fin du Moyen Age, à l’est de Marseille,il n’y a pas ou peu de villages au bord de mer. Le rivage appartient à Cassis, Ceyreste, la Cadière, Ollioules, Six Fours et Toulon. Ce sont de très grands territoires, peu habités. La côte est peu sûre, les défenses à terre sont négligeables et pour raison d’économie les défenseurs sont peu nombreux. La Seyne n’existe pas, c’est une partie de Six Fours. Cette dernière, perchée sur la colline (appelée Le fort de nos jours), est enfermée dans trois solides lignes de remparts. Sanary, ou Saint Nazaire, est un hameau, fréquenté par les sarrasins ; il appartient à Ollioules. En 1300, la construction de la grande tour de défense permettra au port de Sanary d’être habité progressivement. Bandol est le port non habité de la Cadière. Saint Cyr est une plage qui dépend de la Cadière. La Ciotat est restée longtemps un simple hameau, elle est le port de Ceyreste. Son développement a commencé vers la fin du XIVéme siècle. Cassis existe mais est dans le Castrum sur une bonne hauteur et peut résister aux dangers qui viennent de la mer.

Pourtant il y a un trafic maritime intense, car tout le commerce pondéreux passe par la mer, les douelles qui servent à faire les barriques, le sel pour la conservation des aliments, les céréales, la nourriture, le vin, l’huile, les pierres, le sable, le bois tout ce qui est nécessaire pour les constructions. Beaucoup de carrières sont installées en bord de mer. Les déplacements des troupes aussi se font par la mer.

Ces ports déserts, servent surtout comme abri, pour faire « ayguade » (le plein d’eau douce), ou pour réparer des avaries. C’est le cas de Bandol. Les marins sont les seuls habitants, ils font escale dans ce qu’ils appellent depuis très longtemps le port de Bendort (les origines de ce nom sont controversées).   L’origine de Bandol- Les premières mentions, attestant de l’utilisation de la baie de Bandol comme port, datent de 1259, suite à un différend entre Barral des Baux et l’Abbé de Saint Victor, seigneur de la Cadière. En 1354, la reine Jeanne attribue à l’abbé de Saint Victor le port et l’île de Bendort. C’est une baie abritée des vents dominants, c’est un bon mouillage, et il est facile d’appareiller. On trouve le lieu dit orthographié:  Bendort, Bendor, puis en 1600: Bandol.

Sur la côte entre Marseille et Toulon, des hameaux s’installent au bord de mer, grossissent et deviennent des ports de pêche ou de commerce. Alors les habitants veulent leur indépendance. Ils obtiennent leur détachement: La Ciotat en 1429 se détache de Ceyreste; Sanary en 1648 d’Ollioules; La Seyne en 1657 de Six-Fours, et Saint Cyr en 1825 de La Cadière.

Concernant Bandol, l’histoire de sa création est toute autre. A Bandol, il y a d’abord en 1595 un château fort. Puis un an plus tard, un fief minuscule sur la motte du fort, détaché de la Cadière, est attribué par Henri IV à un nouveau seigneur, Antoine de Boyer. En1610 ce seigneur y construit son château. Un seigneur avec un si petit fief, cela semble dérisoire. Pourtant, bien plus tard, en 1715, le seigneur François II de Boyer obtient le détachement d’un territoire assez grand, ce qui lui permettra de créer un vrai village, un vrai fief, qui sera naturellement appelé Bandol.

Du fort au village- De 1610 à 1715, les seuls habitants officiels du fief de Bandol, sont les seigneurs et leurs serviteurs. Antoine Boyer, le futur Seigneur de Bandol était d’une famille de marchands à Ollioules. Henri IV en personne l’appréciait beaucoup car c’était un combattant très courageux et un excellent homme d’affaires. Il était appelé le capitaine Boyer. En 1596, il lui a donné, par lettre, la Motte du château de Bendort et les deux petites îles désertes en face de Bandol. Peu après il lui a été accordé ses titres de noblesse. Il était donc installé sur un tout petit territoire, d’à peine 3 hectares. Mais en compensation il avait obtenu d’Henry IV en 1603, par lettre patente, le monopole de toute la pêche au thon à la madrague, depuis La Ciotat jusqu’à Antibes. Ce privilège est très important. Il sera à la base de la prospérité de la famille de Boyer.

Gravure BnF-  Bandol vers 1650, il n’y a pas de village, on voit le château construit en 1610, et à droite le pigeonnier du jardin du château (sur le territoire de la Cadière).

Le successeur d’Antoine, Jules de Boyer est lui aussi un guerrier. Capitaine dans la Royale. Il se distingue dans le combat naval en Toscane contre la flotte espagnole en 1646. Voir l’encadré.                                                                                                                                      Document BnF.  Carte de la bataille d’Orbetello les habitants sont assiégés par les français en 1646. La flotte espagnole intervient contre les français. Jules de Boyer de Foresta deuxième seigneur de Bandol, marin habile, commande la Mazarine, (la galère de Mazarin). Il s’est illustré à cette bataille en prenant au piège, avec 3 autres navires, la frégate espagnole Santa Catalina, qui s’est sabordée plutôt que de se rendre. Les français réussissent à mettre les espagnols en fuite.

Tableau peint par Joseph Vernet, Bandol en 1754. Musée de la Marine Paris. En premier plan la scène de la capture des thons dans la chambre de la mort. La pêche au thon était un grand spectacle. A gauche, la famille de Boyer est accompagnée de nobles qui venaient voir  cette opération. Ils y venaient souvent, en nombre et de loin. Les quatre barques qui entourent la capture, sont des mourres de pouar, désarmés. On peut imaginer que dans le petit barquet à rames ces deux personnes venaient récupérer quelques miettes pour les pauvres. A droite on voit une tartane de commerce, avec un arbre trinquet gréé en latin. Ce bateau de 100 tonneaux faisait le commerce de cabotage. Au fond à droite, on voit le château et le village qui en 1754 n’est vieux que de 40 ans seulement.

Carte (mi XVIII ème) conservée par la BnF à Paris: Le privilège de la pêche au thon, continuera à être une source de revenus importante jusqu’à la Révolution. La madrague est installée devant le Rouveau. La madrague de Saint Mandrier est placée à l’entrée de la rade de Toulon. Toulon est devenu port de la marine Royale sous Richelieu. Cette madrague n’est pas conforme aux actes, elle cause bien des ennuis à la navigation de la Royale et des bateaux de commerce de Toulon. Pourtant la famille de Boyer, jusqu’à la Révolution, ne la déplacera pas et aura toujours gain de cause!

Détails de la carte BnF, surchargée, montrant l’emplacement des madragues de Bandol et de Saint Mandrier.

Les descendants de Jules de Boyer, le capitaine de galère, ne seront pas militaires. François le Premier, prendra la robe d’avocat et deviendra Président de la Cour des Comptes, au Parlement d’Aix en-Provence. Son fils, François Deux optera aussi pour la robe d’avocat et deviendra Président à Mortier au Parlement d’Aix. Cette position favorisera aussi l’aboutissement de ce grand projet de construction d’un village, et ainsi de leur fief. Les seigneurs agiront tous dans ce sens mais il leur faudra quand même 100 ans de négociations, tout en usant de toute leur puissance financière et politique.

La création du village- Le 8  janvier 1715, un territoire de 800 hectares de la Cadière est détaché, l’acte est signé le 12 août suivant. Le fief englobe les hameaux des hauts de Bandol habités par une dizaine de familles. Sept familles venues des villages voisins construisent les premières maisons très rapidement sous l’impulsion du Seigneur François de Boyer de Foresta, et s’y installent. Les habitants seront pêcheurs et agriculteurs, et se lanceront dans le commerce maritime dès le développement de l’exportation du vin.

Développement de Bandol-  Après  1750, progressivement, la famille de Boyer (Hilaire de Boyer) ne résidera plus à Bandol, lui préférant  Aix en Provence. Après la révolution, les villages proches de Bandol, la Cadière, Saint Cyr, Ollioules, Sanary, se tournent vers la production du vin en grande quantité. Ce vin acquiert très vite une grande renommée. C’est le port de Bandol qui en assure l’expédition grâce aux nombreux bandolais capitaines de tartanes.   Au début du XIXème siècle le bon vin de la région est expédié vers les Antilles sur des bricks, qui parfois sont commandés par des bandolais. Ce commerce du vin favorisera aussi l’installation de plusieurs artisans tonneliers et de nombreux chais de vin. Un chantier naval s’est implanté pour construire les tartanes et les mourres de pouar, (bateaux de pêche). A partir de 1860, comme dans beaucoup d’autres ports, l’arrivée du chemin de fer fera chuter le trafic maritime. En 1875, le commerce du vin et les activités qui s’y attachent, s’arrêtent à cause de  l’épidémie du phylloxéra. Bandol vivra de la pêche et de l’agriculture. L’activité de la vigne cède la place à la culture des fleurs, qui seront expédiées par train dans toute la France. Beaucoup de Bandolais travaillent à Marseille, ils sont capitaines de tartanes et même de bricks, navires à 2 arbres. Ils ont la chance d’avoir eu à Bandol le  pensionnat Vivien, école privée réputée au XIXème siècle qui leur a assuré leur formation.   Photo (auteur inconnu) prise de l’est du port, (du haut d’un mât ?) elle date de 1875. On voit le chantier naval et la consigne, l’ancien moulin et le grenier. Une tartane est amarrée au quai de la Consigne.

Photo (BnF) prise de l’ouest du port, à partir du moulin à vent en 1858 Au premier plan on voit le chantier naval Berenguier qui construisait des bateaux de pêche (mourres de pouar) ou des tartanes. Derrière, en blanc, le bâtiment de la consigne. En face de celle-ci est amarrée une tartane. Les filets sont étendus sur le rivage, il n’y a pas de quais. Plus loin les maisons ont les pieds dans l’eau, une matte étendue brise les vagues à cet endroit là.

La tartane- Livre de l’Amiral Paris (Musée de la Marine à Paris) C’est le vecteur du commerce de cabotage, elle peut charger jusqu’à 100 tonneaux, elle est rapide, cale 2 mètres de tirant d’eau.

Grâce au chemin de fer au XXème siècle, à la Belle Epoque, Bandol, se lance avec succès dans le tourisme. Autour de Bandol les vignes seront replantées pour résister au phylloxéra, et après la deuxième guerre, le cépage mourvèdre donnera le fameux vin de Bandol.

Le port s’agrandit, le tourisme prospère de nos jours autour des activités vinicoles, maritimes et artistiques. 2015 sera le tricentenaire de Bandol .                                 Article  par Jean Grillon  2012

Sources principales: le livre 1987 de mon père Lucien.