DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies en 1941 raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda.

De même la revue The London Magazine  publie en 1958 un article sous le même nom, où Ghiselin Brewster, un jeune intellectuel californien vient à la rencontre de Lawrence entre deux visites de Rhys Davies.

C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence et aussi du village pendant ces visites hivernales à Bandol.

La biographie de DH Lawrence par David Ellis en 1998 Volume II, Dying Game, publiée sur Cambridge University Press donne aussi beaucoup de détails sur la vie de Lawrence et Frieda à Bandol, surtout pour la période moins glorieuse, moins connue, à la villa Beau Soleil, on y trouve la photo de cette villa qui depuis a été bien transformée.

Dans The Cambridge Edition-  volume VII- The letters of DH Lawrence, il y a toute la période Bandol, avec de nombreuses lettres de novembre 1928 jusqu’à la dernière avant sa mort le 2 mars 1930. On y trouve les études, témoignages, commentaires, photos, plans  faits par l’Université de Cambridge. C’est une bibliographie de Lawrence . De très nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Fin 1928 la sortie de son roman L’Amant de Lady Chatterly va aggraver l’ambiance.  Après deux mois de séjour à Bandol en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient soutenu au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais aussi parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence va se passionner pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui offre des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’encourage à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les deux : Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique. Mais l’Hôtel a été vendu, quid des tableaux?

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février 29,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage. (Voir les images plus loin)

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol : Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, est venu dix jours début janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Pourtant souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer déferlante qui explose sur  l’île d’en face en s’épanouissant comme une fleur. Si seulement je me sentais bien, et que mes forces me revenaient ! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies en 1941 raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda.

De même la revue The London Magazine  publie en 1958 un article sous le même nom, où Ghiselin Brewster, un jeune intellectuel californien vient à la rencontre de Lawrence entre deux visites de Rhys Davies.

C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence et aussi du village pendant ces visites hivernales à Bandol.

La biographie de DH Lawrence par David Ellis en 1998 Volume II, Dying Game, publiée sur Cambridge University Press donne aussi beaucoup de détails sur la vie de Lawrence et Frieda à Bandol, surtout pour la période moins glorieuse, moins connue, à la villa Beau Soleil, on y trouve la photo de cette villa qui depuis a été bien transformée.

Dans The Cambridge Edition-  volume VII- The letters of DH Lawrence, il y a toute la période Bandol, avec de nombreuses lettres de novembre 1928 jusqu’à la dernière avant sa mort le 2 mars 1930. On y trouve les études, témoignages, commentaires, photos, plans  faits par l’Université de Cambridge. C’est une bibliographie de Lawrence . De très nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Fin 1928 la sortie de son roman L’Amant de Lady Chatterly va aggraver l’ambiance.  Après deux mois de séjour à Bandol en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient soutenu au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais aussi parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence va se passionner pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui offre des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’encourage à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les deux : Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique. Mais l’Hôtel a été vendu, quid des tableaux?

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février 29,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage. (Voir les images plus loin)

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol : Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, est venu dix jours début janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Pourtant souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer déferlante qui explose sur  l’île d’en face en s’épanouissant comme une fleur. Si seulement je me sentais bien, et que mes forces me revenaient ! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages,  d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer agitée qui éclate comme une fleur sur l’île d’en face. Si seulement je me sentais bien, et que j’avais de la force! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages,  d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer agitée qui éclate comme une fleur sur l’île d’en face. Si seulement je me sentais bien, et que j’avais de la force! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages,  d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer agitée qui éclate comme une fleur sur l’île d’en face. Si seulement je me sentais bien, et que j’avais de la force! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages,  d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer agitée qui éclate comme une fleur sur l’île d’en face. Si seulement je me sentais bien, et que j’avais de la force! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages, d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image, redresse)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit de 1927 à 1928 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen (venu le rencontrer à Bandol), il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer déferlante qui explose sur l’île d’en face en s’épanouissant comme une fleur. Si seulement je me sentais bien, et que mes forces me revenaient ! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages, d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image, redresse)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit de 1927 à 1928 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen (venu le rencontrer à Bandol), il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer déferlante qui explose sur l’île d’en face en s’épanouissant comme une fleur. Si seulement je me sentais bien, et que mes forces me revenaient ! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages, d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image, redresse)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer agitée qui éclate comme une fleur sur l’île d’en face. Si seulement je me sentais bien, et que j’avais de la force! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham

DH Lawrence à Bandol

    Dans la revue littéraire anglaise ‘’Horizon’’, sous le titre DH Lawrence in Bandol, l’auteur gallois Rhys Davies raconte ses rencontres avec DH Lawrence et sa femme Frieda. C’était au cours des deux dernières années de la vie de Lawrence. On y découvre l’histoire de DH Lawrence pendant ses deux séjours d’hiver à Bandol. Sur internet se trouvent des extraits d’études faites à partir des archives de l’Université de Cambridge, il s’agit des lettres, des témoignages, d’une bibliographie de Lawrence . De nombreuses lettres datant de cette période ont été écrites à l’Hôtel Beau-Rivage. Cet écrivain y apparaît très attachant, hors du commun, visionnaire.

 Plaque en mémoire de DH Lawrence (clic sur image, redresse)

     On pourrait imaginer Lawrence pendant ces mois d’hiver, au coin du feu auprès de son épouse Frieda, écrivant des poèmes et se promenant dans le petit village ensoleillé. Mais, on va voir qu’il n’en a pas toujours été ainsi.

Depuis son dernier voyage à Londres en 1926, Lawrence n’ose plus aller en Angleterre, il se sent rejeté par des critiques dures et nombreuses. Il est devenu exilé volontaire. Sa femme Frieda (allemande) n’est pas acceptée par les anglais, certains même la considèrent comme une espionne, dix ans seulement ont passé depuis la grande guerre. Quant à Lawrence, il est considéré comme un écrivain provocateur. Après deux mois de séjour en janvier 1929, M. Pollinger son correspondant à Londres, lui fait part discrètement d’une information venant d’un détective, selon laquelle il risquerait d’être arrêté au cas où il rentrerait en Angleterre.

Le livret, écrit en 1941 par Rhys Davies, résume bien l’essentiel de la première période à Bandol du 17 Novembre 1928 au 10 mars 1929. C’est un témoin direct, il est venu trois séjours rencontrer Lawrence à l’hôtel Beau-Rivage. Puis dans la deuxième saison d’hiver, Il raconte la suite de la vie des Lawrence à Bandol à travers un échange de lettres.

Entre ces deux périodes, pendant la saison plus chaude, du 10 mars 1929 au 21 septembre 1929, Lawrence quitte Bandol  sans avoir l’intention d’y revenir, avec tous ses bagages . Mais quand la fin de l’été s’annonce alors que sa femme et lui sont en Allemagne, Lawrence a besoin de soleil et veut revoir la mer. Tout naturellement ils vont revenir à Bandol et s’installer à nouveau à Beau-Rivage le 23 septembre, là, Lawrence se sent en sécurité. Mais Frieda insiste pour vivre dans une maison. Alors peu après ils quittent l’hôtel pour la villa Beau Soleil. Ils y resteront jusqu’au départ précipité pour le sanatorium de Vence le 6 février 1930.

     La vie de cet auteur Anglais et de sa femme Frieda, au cours de ces années 1928, 29 et 30 a été très mouvementée. Si Lawrence a connu de bons moments, il a aussi accumulé pas mal de contrariétés.

Lady Chatterly’s Lover- Quand Lawrence et Frieda arrivent à Bandol, le 17 novembre 1928, le roman Lady Chatterley ‘s Lover est sorti de presse depuis moins d’un an. Ce roman a été écrit en 1927 à Florence à la villa Mirenda. Aldous Huxley et sa femme Maria, les meilleurs amis des Lawrence, étant eux aussi à Florence, l’avaient assisté au cours de longues rencontres et discussions pendant la rédaction de ce roman. C’est une édition de luxe faite par l’éditeur Orioli à Florence.

     Rapidement, ce roman est interdit de vente au Royaume-Uni, au motif de ‘’publication obscène’’. L’édition vendue sous le manteau rencontre alors un vif succès. Le 18 janvier Lawrence apprend par M. Pollinger que 18 livres de Lady Chatterly’s Lover ont été saisis au Royaume-Uni. L’interdiction le chagrine beaucoup et il enrage de constater et de subir l’esprit étroit des gens de son pays natal.

     On peut penser que le scandale n’est pas uniquement causé par l’aspect «obscène» mais bien plutôt parce qu’il s’agit d’une histoire inhabituelle. Contrairement au schéma classique de l’homme riche qui séduit la bonne, ici il s’agit d’une aristocrate qui accorde ses faveurs au jardinier, donnant ainsi l’image d’une femme libérée.

Aldous Huxley et DH Lawrence 1929 (Clic sur image)

Pansies-.Lors de ce premier séjour de quatre mois Lawrence termine avec beaucoup de plaisir la rédaction du recueil de poèmes Pansies. Il avait commencé cette série de poèmes bien avant, mais en arrivant à Bandol, il achète un cahier pour noter les nouveaux poèmes. La date du 23 novembre 1928 figure sur la couverture de ce cahier. Il y écrit les dix-neuf premiers poèmes,  puis les suivants seront écrits à Majorque et en Italie , il continuera à en écrire quelques-uns quand il reviendra à Bandol ; le dernier poème date de février.

Les textes de Pansies sont souvent des essais philosophiques traitant des effets néfastes du modernisme et de l’industrialisation sur l’humanité, et sur le conditionnement de l’être humain qui l’empêche de s’épanouir et de se libérer. Ils sont dénués de toute polémique. A Bandol, Lawrence a relu et repris plusieurs de ses anciens poèmes avant de les refaire éditer. Il aime dire Pensées dans ses écrits, car en français ce n’est pas uniquement le nom d’une fleur.

Extrait du poème de Lawrence,

Notons que The Triumph of  the Machine  est considéré comme un de ses meilleurs poèmes. On peut penser que  Lawrence venait de l’écrire quand il a voulu le réciter à Rhys Davies et à Frieda. Dans son récit, Rhys Davies donne quelques précisions qui correspondent à ce poème : » Très rapidement, en entendant les strophes qui évoquaient le vol  désagréable des cygnes qui dans un bruissement d’ailes se frayaient un chemin dans un monde en ruines, j’ai sombré dans un profond sommeil ».(clic sur l’image)

 

Novembre au bord de mer

Rhys Davies écrit page 17 de son récit : (Je me souvins qu’il venait d’écrire un poème au sujet d’un soleil en Novembre  « mon soleil sombrant  à l’ouest, hivernal mais intrépide », était-ce prophétique ?).  Clic sur image.

 

Novembre 1928

 

Piratage de Lady Chatterly’s Lover-. A la fin de 1928, un éditeur pirate américain sort une édition bon marché de Lady Chatterly’s Lover. Cette contrefaçon représente une concurrence dangereuse pour l’édition de Florence. Lawrence qui se trouve toujours à Beau-Rivage, un peu bloqué par le grand froid de février, enrage de savoir qu’un éditeur pirate s’enrichit à ses dépens. Peu après un autre pirate américain va sévir. Les contrefaçons se répandent à Paris où séjournent beaucoup d’anglais et d’américains. Les Huxley habitent à Suresnes près de Paris. A la requête de Lawrence, Maria a pu constater sur place que des libraires parisiens, peut-être innocemment, vendent ces contrefaçons très ressemblantes , avec une fausse signature de Lawrence.

Fin janvier 1929, allant à Florence, les Huxley se sont arrêtés en voiture à Bandol pour rendre visite aux Lawrence et les soutenir dans leurs actions.

Au printemps 1929, dès le beau temps revenu, Lawrence devra se rendre à Paris, en compagnie de Rhys Davies pour chercher un éditeur et sortir à son tour, une édition économique . Les éditeurs rencontrés craignent l’impossibilité de contrer commercialement les contrefaçons répandues. Lawrence subit plusieurs refus. Enfin il trouve un éditeur, à Paris, l’américain Edouard W.Titus qui sortira la version économique en mai. Il ne le regrettera pas car la vente de Lady Chatterly, à bas prix, quelques mois après, aura raison des contrefaçons.

A Paris, il retrouve bien sûr ses amis Aldous et Maria Huxley.

Huxley organise une rencontre avec des écrivains Français de la Nouvelle Revue Française (NRF-Gallimard), dont André Maurois, François Mauriac, ainsi qu’avec Daniel Halévy, historien, directeur chez Grasset. Lawrence noue des relations dans le milieu littéraire, mais certains écrivains français ne l’apprécient guère et c’est réciproque. Lawrence préfère les écrivains français non contemporains.

Avant la guerre de 14-18, il avait une estime plus grande pour la France, sa littérature, ses artistes. Ce changement serait-il dû à l’influence de Frieda ?

La peinture- De retour du Mexique, Lawrence se passionne pour la peinture. Dans sa jeunesse il avait pris des cours de dessin. Maria Huxley lui a offert des toiles et le nécessaire pour peindre, ce qui l’a encouragé à s’y remettre en 1926 mais avec une approche différente, citons ce qu’a écrit Rhys Davies dans son livret, page 9 :

« Alors que sur une toile il savait peindre les riches nuances sensuelles qu’il aimait tant, les peindre dans leurs couleurs propres, pas avec des lettres noires. »

Ses tableaux sont empreints d’un grand réalisme érotique, ils choquent car ils sont très en avance sur les mœurs de l’époque.

En novembre 1928, moment où les Lawrence arrivent à Bandol, la galerie Londonienne Warren accepte de faire une exposition de ses tableaux. Mais Dorothy Warren, la directrice, après avoir lu les critiques sur le roman Lady Chatterly’s Lover puis appris son interdiction, hésite avant d’ouvrir l’exposition.

Celle-ci était prête à ouvrir le 25 novembre 1928. Lawrence proteste un peu par le courrier du 19 décembre 1928 contre le retard auprès de Dorothy Warren : « . Je pense que vous avez été un peu cool, en gardant mes tableaux tout ce temps et en ne faisant rien« .

Diffusé à 520 exemplaires

Mais son ami Stephensen, lui-même peintre, qu’il a délégué pour l’organisation, lui conseille de réaliser un catalogue photographique pour cette exposition. Lawrence met alors à profit cet ajournement pour s’atteler à ce projet. Il écrit une introduction et dessine les couvertures.    Profitant du retour à Londres de Stephensen, il lui fait apporter en janvier 1929, des tableaux supplémentaires qu’il vient de terminer , dont les 2 suivants Leda  et Danse Sketch, ont une petite histoire. Dans le paquet il y a aussi 3 autres tableaux et Lawrence met à jour la liste des 24 tableaux. (Clic sur le livre)

 

Ces 2 tableaux ont été peints à Bandol fin 1928 et achevés en janvier 1929. A Londres ils vont faire scandale. Dans son récit sur Lawrence, Rhys Davies, fait allusion à ces peintures. page 9: « ….il savait donner la forme réelle d’une chèvre ou celle d’un cygne… » Il dit aussi : « Lawrence a fait un ou deux tableaux à Bandol pendant la première visite en novembre 1928 à Beau-Rivage»: Plus loin, page 11, il écrit aussi : « … de sorte que le ressac paresseux de la mer,

Leda

Léda séduite par Zeus

cette mer bleue à la fois vieille et toujours jeune, et les voix des enfants nus jouant sur la plage (c’était le tableau représentant ces enfants qui était la cause majeure de la descente de police de Londres)» …. Ces deux tableaux sont de nos jours conservés à  l’Hôtel la Fonda à Taos au Nouveau Mexique.

Dessin pour la couverture

Enfin, fin  février,  les  trois dernières aquarelles supplémentaires, sont apportées de Bandol à Londres par Ada Clarke la sœur de Lawrence Spring et Summer-dawn de janvier et Singing of Swansdu 25 février 1929, peintes à Beau-Rivage.

Liste des toiles devant figurer dans le catalogue de l'exposition

L’exposition ouvre enfin le 14 juin, sept mois après que les tableaux ont été accrochés aux murs! Les Lawrence sont à Majorque à ce moment-là. Ils décident alors de rentrer  par Marseille en bateau. Frieda repart le 18 juin pour tenir l’exposition, Lawrence ne veut pas aller à Londres à cause de sa santé mais aussi à cause du risque d’y être arrêté. Il part tout seul en Italie rejoindre les Huxley. Frieda est heureuse de retrouver à Londres les amis ainsi que la sœur de Lawrence. Elle a plaisir à voir que DH Lawrence a du succès en Angleterre.

En trois semaines on compte treize mille visiteurs, mais peu après, le 7 juillet, une descente de police dans la galerie confisque treize tableaux, et confisque aussi les catalogues. Ces 13 tableaux sont interdits définitivement en Angleterre, parce qu’ils sont considérés comme Indécents .

Lawrence, par courrier, réussit à convaincre Scotland Yard de ne pas détruire les tableaux saisis (il en était question). Frieda, seule à Londres affronte directement ces problèmes. Elle n’aurait pu conclure une vente avec l’Aga Khan, racontera-t-elle. Notons que juste après la mort de Lawrence, tous les tableaux ont été réunis par Frieda et exposés à Vence, puis une partie est allée avec Frieda à Taos, et une autre partie a été donnée à des amis.

Réflexions- David Ellis dans la biographie de DH Lawrence Dying game 1922-1930, consacre les chapitres dix-neuf et vingt et un, à Bandol Novembre 1928 à mars 1929. Ghiselin Brewster, jeune professeur américain, est venu en janvier 1929 à Bandol   spécialement pour rencontrer Lawrence, ayant des passions communes, ils sont devenus rapidement amis . Il a écrit ses échanges  et ses souvenirs dans « Lawrence in Bandol« .  Mais souvent les différents articles ou études sur Lawrence ne précisent pas la localisation à Bandol. Pourtant il séjourne presque neuf mois sur deux hivers, il a une activité intense au cours de sa fin de vie. C’est à Bandol qu’il subit les trois censures: interdiction au Royaume-Uni de son dernier roman, et lutte contre le piratage,  interdiction de ses poèmes,  rejet définitif du Royaume-Uni de treize de ses tableaux ; et en plus, il pense au risque, s’il rentre dans son pays natal, d’être arrêté. Il se bat courageusement malgré tout et gagne un peu plus en célébrité.

Lawrence avait appris le français à l’école, mais disait qu’il n’aimait ni ne voulait le parler, sauf obligation. Toutefois, il acceptait de servir d’interprète aux Anglais. Dans la lettre du 10 décembre 1928 écrite de Beau-Rivage à ses amis Earl et Achsah Brewster, il parle librement de ses rapports avec les Bandolais trois semaines seulement après son arrivée :

« ……Cette côte semble réellement avoir un bon climat hivernal. C’est charmant ici, l’hôtel est vraiment bien, pourtant il n’est pas hors de prix. Les gens sont très gentils. Mais tout compte fait ils ne sont pas très intéressants. Ils semblent petits et chicaneurs, trop dociles, trop attachés à leur petit monde. Il n’y a rien de passionnant au sujet des Français- leur vie est trop pure, mais leurs systèmes d’égout sont simplement horribles, et leurs goûts sont parfois pires que les goûts Italiens modernes. Toutefois ils sont amusants et ils se comportent librement. Je les aime bien un moment- mais pas trop longtemps. Et maintenant je sens que je veux essayer l’Espagne. C’est le moment de choisir le destin…… »

Salle à manger hôtel Beau-Rivage

Pourtant ses écrits, sont souvent émaillés de mots ou d’expressions françaises, et il a en outre une bonne connaissance de la littérature française. Quant au climat d’hiver, il est mal tombé cette année-là car peu après cette lettre, février 1929 a été terriblement froid et Lawrence dit qu’il a vu ‘’beaucoup de palmiers et d’eucalyptus mourir’’. Il était à Beau-Rivage bien au chaud. Grâce à ce confort il a même repris des forces et retrouvé le moral. Frieda, qui prétendait s’y ennuyer, commence à son tour à aimer Bandol.

Le deuxième hiver sera différent. Ils logent à la villa Beau Soleil (qui donne sur la crique de Barry).  Lawrence écrit la suite de Pensées, des récits courts L’Homme qui était mort et des articles. Il reprend l’étude de Révélation pour envoyer le manuscrit Apocalypse à l’éditeur  F Carter. Il reçoit beaucoup d’amis logés à Beau Rivage et il lance des projets. Mais il manque de confort, le chauffage central tombe parfois en panne. Il faut prendre une femme de ménage. Lawrence regrette l’absence d’un feu dans une cheminée. Mais de son lit, il peut voir la mer, c’est important pour lui. Il a découvert ce plaisir à l’Hôtel Beau-Rivage, l’année d’avant.

Il a une autre image de Bandol quand il écrit à Else Effe :

« C’est très beau, le vent, les nuages, la mer agitée qui éclate comme une fleur sur l’île d’en face. Si seulement je me sentais bien, et que j’avais de la force! Mais je suis si faible. Et tout ce qui est en moi pleure des larmes noires. J’aimerais que ça disparaisse  »

En janvier 1930, il va très mal, sa tuberculose s’aggrave. Un médecin anglais lui conseille d’aller se faire soigner dans un sanatorium à Vence. Il a 44 ans et demi. Il part de Bandol le 6 février et meurt un mois plus tard le 2 mars.

Promenade sous l'hôtel

Si la tuberculose ne l’avait pas rattrapé, se serait-il établi à Bandol? Son grand ami Aldous Huxley et sa femme Maria venaient d’acheter leur villa à la Gorguette, et on sait qu’ils y ont vécu pas mal d’années. Cela aurait pu représenter un atout pour Bandol !

 

29 novembre 2017-  Jean Grillon -

 

 

                                Autres tableaux peints à Beau-Rivage: (clic sur image)

Janvier 1929

25 février 1929

Janvier 1929

Janvier 1929

 

 

 

 

 

Sources : – Le récit de Rhys Davies (mort en 1978) écrit dans la revue Horizon en 1940 traduction en français en 2017 par le rédacteur. (28 pages) « DH Lawrence à Bandol ».

- DH Lawrence Dying Game 1922-1930 Par David Ellis Professeur de littérature anglaise Université de Kent – Cambridge University Press.1998- Extraits sur Books Google. -

The Art of DH Lawrence by Keith Sagar (Docteur à l’Université- Cambridge ; mort en 2013)-University Press 1966 (voir pages 202, 203 et 233).

- The letters of DH Lawrence Volume VII, 1928-30. By Keith Sagar and James T Boulbon 1993. Lettres de Novembre 1928 à février 1930. Extraits sur Books Google

- The Reception of DH Lawrence in Europe – Continuum 2007 –Introduction: Christa Jansohn et Dieter Mehl (Universités Allemandes) – Preface: Elinor Shaffer (professeur Université de Londres)- – Chapitre 6-DH Lawrence in France: A Literary Giant with Feet of Clay-Par Ginette Katz-Roy (professeur à l’université Paris X – Nanterre ; elle dirige le Groupe de recherche sur D.H. Lawrence) – Extraits sur Books Google.

- De la même auteure, Ginette Katz-Roy : Etudes Britanniques Contemporaine N° 5. 1994 – A bibliography of DH Lawrence Third Edition par Waren Roberts and Paul Poplawski Cambridge University Press – 2001-Extraits sur Books Google

- Brewster Ghiselin; Sa rencontre avec DH. L à Bandol  dans  London Magazine, V (Dec 1958) pp. 13–22

- Photos des Tableaux et aquarelles de DH Lawrence, Site Facebook DH Lawrence Paintings, faites par l’administrateur à partir du catalogue de Mandrake Press. Avec l’aimable autorisation de Ian Bull que je remercie. Jean Grillon 25 novembre 2017

-Je n’ai pas trouvé les sources de la photo de A. Huxley avec DH. Lawrence. Elle semble être du photographe John Topham